À l’heure où l’information circule à une vitesse fulgurante, la vigilance des journalistes est plus que jamais cruciale. Depuis la révélation par Press Gazette qu’une psychologue largement citée n’existait pas, le métier se réinvente face aux ruses des faux experts, souvent soutenus par des réponses générées par intelligence artificielle. Des médias prestigieux comme Libération, Le Monde ou encore France Info ont pris la mesure de cette menace pour la fiabilité journalistique. Le combat contre la désinformation, déjà intense selon plusieurs propositions détaillées au sujet de l’intégrité de l’information, voit désormais son front s’élargir face aux faux profils experts. Alors que le secteur s’adapte aux exigences de rapidité et de multiplicité des sujets, la nécessité d’une rigueur renforcée s’impose, notamment pour valider la véracité et l’identité des sources contactées.
Les faux experts : une menace croissante dans le journalisme moderne
Depuis plusieurs années, le phénomène des faux experts s’est insidieusement imposé dans certaines sphères médiatiques. Cette tendance a explosé avec l’essor des plateformes de mise en relation entre journalistes et sources, telles que ResponseSource ou Qwoted. Souvent utilisés dans le but de booster un référencement web via des techniques SEO, ces profils fictifs déstabilisent la pratique journalistique et la confiance du public envers les médias.
Le cas emblématique de Barbara Santini, psychologue dont la présence en ligne se limite à quelques profils associés à des commerces douteux de sextoys et de produits à base de CBD, a choqué le milieu. Multiples médias se sont faits piéger, relayant des citations fabriquées par une intermédiation habile de relations publiques moins soucieuses de la qualité de l’information que du positionnement de leurs clients. À la suite de l’enquête de Press Gazette en avril, plusieurs articles ont été corrigés ou retirés, mais l’usage de faux experts ne cesse pas.
Comment ces faux profils fonctionnent-ils concrètement ?
Ces « experts » n’existent pas réellement et sont souvent incarnés par des identités créées de toutes pièces, voire générées par des intelligences artificielles. Les stratégies pour leur vente incluent :
- Création de biographies détaillées mais tronquées à des sujets ciblés, pour crédibiliser un positionnement SEO.
- Envoi massif de réponses similaires à de multiples journalistes en même temps, souvent formatées à l’identique.
- Absence totale ou refus systématique de contact téléphonique ou de rencontre physique, les échanges n’ont lieu que par emails ou messageries instantanées.
Par exemple, la journaliste indépendante Rosie Taylor a rapporté qu’elle avait reçu trois réponses instantanément semblables sur un appel à témoignages, accompagnées de photos et biographies denses, mais sans aucune possibilité de vérification humaine directe.
Caractéristique | Description | Conséquence |
---|---|---|
Identités fictives | Création d’experts inexistants avec biographies fabriquées | Difficulté pour les journalistes à valider la crédibilité |
Réponses AI générées | Réponses similaires envoyées massivement pour optimiser SEO | Diminution de la diversité et fiabilité des sources citées |
Absence de contact direct | Communication uniquement écrite, pas d’appel téléphonique | Empêche la vérification approfondie |
Utilisation de photos non attribuées | Photos d’illustration issues de banques d’images ou IA | Confirmée impossibilité de rattacher une personne réelle |
Cette tendance pousse les rédactions à revoir leurs protocoles, tant la rapidité de production entraîne une tentation de recourir à ces sources faciles d’accès, mais trompeuses et dangereuses.

Renforcer les procédures de vérification dans les rédactions françaises
Face à la montée de ces pratiques frauduleuses, les équipes de vérification et fact-checking au sein des organes de presse français telles que Mediapart, Télérama, L’Express ou Charlie Hebdo, adoptent des mesures drastiques. De la simple prise d’appels téléphoniques systématiques à la validation multicritère des experts, la surveillance devient la nouvelle norme.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte général où la lutte contre la désinformation est devenue un pilier fondamental pour l’intégrité journalistique, comme le souligne l’appel à « établir des normes de bonnes pratiques pour le journalisme » relayé par la Fondation Descartes. Ces normes insistent notamment sur la nécessité de confirmer l’existence physique, professionnelle et médiatique de tout expert interviewé.
Les principales étapes de contrôle mises en œuvre
- Appel téléphonique obligatoire pour vérifier l’identité réelle de la source.
- Vérification croisée avec le profil LinkedIn, site web professionnel ou publication antérieure reconnue.
- Validation obligatoire du commentaire par un tiers ou via une correspondance mail officielle de la structure représentée.
- Enquête approfondie sur la présence numérique globale (dont mentions dans des médias reconnus).
- Suivi rigoureux des demandes via des plateformes spécialisées de détection de faux comptes et contenus truqués.
Trois journalistes de renom travaillant pour Rue89 ont confié que le temps de vérification dans leur travail a augmenté de moitié ces derniers mois, un constat que confirme la puissante cellule « Vrai ou faux » de France Info, en charge de la traque des fake news et de la surveillance des réseaux sociaux.
Procédure | Description | Impact positif |
---|---|---|
Appel téléphonique | Réalisation d’un entretien direct pour valider le discours | Confirmation de l’identité et authenticité |
Recherche de profils vérifiés | Analyse des traces numériques et de réputation existantes | Filtrage des faux experts |
Demande de mail officiel | Validation des propos via communication d’entreprise | Renforce la chaines de confiance |
Utilisation d’outils spécialisés | Logiciels de détection de bots, deepfake, et profils truqués | Réduction des risques de fraude |
En 2025, la question se pose également quant au recours à des interviews en visioconférence, une méthode adoptée pour déceler le moindre signe d’imposture. Les Inrockuptibles ont récemment organisé une série d’ateliers à ce sujet, réunissant journalistes et experts en cyber-sécurité.
Les défis éthiques renforcés dans la relation journalistes-PR
La relation entre journalistes et attachés de presse s’avère de plus en plus complexe. Alors que certains responsables PR exploitent les failles de vérification, offrant des personnages inventés ou des citations issues d’IA, les journalistes se montrent de plus en plus exigeants sur la transparence et la vérification.
Holly Pither, fondatrice de Tribe PR, a observé une évolution nette des demandes : désormais, il est fréquent qu’un journaliste exige une double vérification, incluant un mail d’authentification de la source, et une validation individuelle de chaque citation, notamment dans le rubriquage sensible comme la santé mentale ou la finance.
Cette situation pousse les agences à revoir leurs pratiques, en fournissant systématiquement une biographie, une photo, et un lien professionnel (LinkedIn, site officiel).
Principaux changements dans les méthodes PR pour répondre aux exigences journalistiques
- Transmission intégrale des dossiers de présentation avant tout contact.
- Fourniture systématique d’au moins deux moyens de contact (mail et téléphone).
- Acceptation d’appels ou de rencontres directes avec les journalistes.
- Formation des porte-parole à délivrer des réponses argumentées et bien sourcées.
- Explication claire des liens entre expert et entreprise/entreprise cliente.
La crise des faux experts est donc un facteur incitant l’évolution étroite des modes de collaboration entre médias et professionnels des relations publiques. Ce phénomène a également été analysé par plusieurs études, comme celle publiée dans la revue Les Enjeux de l’Information et de la Communication, qui interroge la déontologie face à la prolifération de profils fabriqués pour la presse.
Pratique PR avant 2023 | Pratique PR en 2025 |
---|---|
Peu d’exigences sur la transparence | Nécessité de fournir preuves d’authenticité |
Réponses majoritairement écrites sans contact direct | Favorisation d’appels ou vidéos pour valider |
Source parfois anonyme ou générique | Apparition obligatoire des biographies professionelles |
Peu de formation spécifique aux porte-parole | Formation accrue sur la communication factuelle |
Objectif principal : visibilité et SEO | Recherche d’intégrité et de crédibilité renforcée |
L’usage croissant de l’intelligence artificielle dans la fabrication des faux experts
À l’ère numérique, les intelligences artificielles jouent désormais un rôle ambivalent dans la production de contenus et dans l’orientation des discours médiatiques. Cette double facette se retrouve dans la production de faux experts, où l’IA peut générer à la fois la biographie, les photos via deepfake, et des réponses automatisées, presque indiscernables d’un échange authentique.
Emma-Elizabeth Byrne, directrice éditoriale chez Gentoo Media, a récemment alerté sur cette tendance lors du Brighton SEO conference, évoquant le concept de « Fake EEAT Till You Make EEAT », où certaines entreprises créent des experts artificiels afin d’optimiser leurs performances sur Google. Ce phénomène met en péril l’intégrité des informations journalistiques, ainsi que la crédibilité du référencement naturel.
Les procédés récurrents d’IA dans la falsification des profils
- Génération automatique de profils LinkedIn avec copies d’autres biographies réelles.
- Création de photos réalistes par synthèse faciale (deepfake).
- Envoi de citations et commentaires générés par des algorithmes de NLP (Natural Language Processing).
- Multiplication des sources pour simuler la présence médiatique.
- Utilisation des faux profils pour tromper les algorithmes de classement des moteurs de recherche.
Ces manipulations ont provoqué une réaction immédiate de Google, qui, en 2025, a modifié ses directives pénalisant les contenus avec auteurs fictifs, en mettant en avant la notion d’E-E-A-T (Experience, Expertise, Authoritativeness, Trustworthiness) désormais cruciale pour la visibilité en ligne.
Technique IA | Objectif | Effet sur le journalisme |
---|---|---|
Profils LinkedIn générés | Simuler un expert crédible | Requiert une vigilance accrue pour déceler la supercherie |
Photos deepfake | Humaniser l’expert fictif | Induit en erreur lors de vérification visuelle classique |
Citations générées par NLP | Produire des commentaires cohérents rapidement | Besoin d’authentification rigoureuse |
Multiplication des instances médias | Booster l’autorité du profil | Risques de propagation de fausses informations |
SEO basé sur EEAT | Optimiser le référencement naturel | Utilisation abusive faussant le référencement |
Les professionnels du journalisme et du SEO se retrouvent confrontés à un paradoxe : l’optimisation pour le référencement est désormais indispensable, mais elle peut favoriser des pratiques déloyales allant jusqu’à la fabrication de fausses expertises. Pour en savoir plus sur l’importance actuelle du SEO et les recherches associées, consultez aussi cet article dédié aux enjeux du référencement en 2025.
Comment les journalistes utilisent les outils numériques pour déjouer les faux experts
Pour faire face à cette déferlante de faux profils, les rédactions comme Slate, Rue89 ou encore Les Inrockuptibles ont développé des cellules spécialisées en fact-checking et en vérification numérique. Ces équipes recourent à une variété d’outils combinant intelligence artificielle et expertise humaine pour analyser, trier et valider les sources et leurs prises de parole.
Un exemple concret est la plateforme Vrai ou Faux de France Info, qui scrute en continu les contenus sur les réseaux sociaux pour traquer les fausses informations, en appui d’une stratégie globale contre la désinformation.
Liste des outils et méthodes de vérification numérique employés par les journalistes en 2025
- Hoaxbuster et Décodex : moteurs de recherche de fiabilité des sources.
- AFP Factuel, CheckNews, et 20 Minutes Fake Off : plateformes de fact-checking spécialisées
- Logiciels d’analyse de métadonnées pour images et vidéos suspectes
- Outils d’identification des bots et faux comptes sur les réseaux sociaux
- Logiciels de reconnaissance faciale et détection de deepfake pour images et vidéos
Ces instruments, combinés à une vigilance humaine, permettent de détecter les incohérences et anomalies dans les propos des experts, en particulier lorsqu’ils sont répétés de manière identique ou suspecte. Cette démarche complexe exige de part et d’autre un investissement important en temps et en compétences, à rebours des attentes initiales de rapidité des productions.
Outil | Fonction | Avantage |
---|---|---|
Hoaxbuster | Vérification des rumeurs et fausses informations | Filtrage rapide des sources non fiables |
Décodex | Catalogue des sources de presse fiables | Soutien à la détection des faux experts |
AFP Factuel | Fact-checking sur déclarations publiques | Confiance accrue grâce à des données vérifiées |
Logiciels antideepfake | Détection de manipulations visuelles | Prévention contre les falsifications |
Plateformes de veille réseaux sociaux | Surveillance en temps réel des contenus | Réactivité aux fake news émergentes |
L’utilisation de cette panoplie de vérifications se double d’une collaboration accrue entre médias. Par exemple, la création de la cellule commune « Les Vérificateurs » par TF1 et LCI illustre cette volonté collective de renforcer la cohérence et la qualité des informations diffusées. Cette alliance s’inscrit dans une dynamique similaire à celle observée dans d’autres pays, où les rédactions mutualisent leurs ressources face aux défis croissants.
Exemples concrets d’affaires dévoilées grâce à une vigilance accrue des journalistes
Plusieurs affaires retentissantes ont mis en lumière l’importance de cette vigilance renforcée. Le cas récemment exposé par The Telegraph en est un exemple. Un prétendu banquier riche, intervenant sur la thématique des frais scolaires, s’est avéré être une fraude dont l’identité avait été truquée par une agence de communication.
Ces révélations provoquent une prise de conscience dans les rédactions françaises également, où des articles publiés notamment par Libération ou Charlie Hebdo ont été révisés suite à des doutes sur la véracité des expertises.
Liste de méthodes journalistiques appliquées pour mettre au jour les faux experts
- Double vérification de la source par téléphone ou visioconférence.
- Demande de documents attestant la légitimité (certificats, diplômes, ou preuves de travail).
- Contrôle des réseaux sociaux et publications professionnelles sous plusieurs angles.
- Recoupement auprès d’experts reconnus ou institutions officielles.
- Veille constante des médias spécialisés et cellule anti-fake news.
Affaire | Média | Méthode de détection utilisée | Conséquence |
---|---|---|---|
Barbara Santini (psychologue fictive) | Press Gazette & médias français | Vérification des contacts et d’antécédents en ligne | Retrait des citations, corrections des articles |
Banquier falsifié | The Telegraph | Consultation téléphonique et validation d’identité | Retrait de l’article, défiance accrue |
Experts off-topic en réponse à demandes | Journalistes freelance (Rosie Taylor) | Analyse du contenu des réponses et contacts croisés | Sélection accrue des sources authentiques |
Cette expérience tirée de la pratique journalistique éclaire la nécessité d’une méthode rigoureuse, afin de ne pas céder face à la pression de la rapidité ou à la tentation d’utiliser de faux experts faciles à contacter.
Évolution des pratiques éditoriales face à l’urgence de la désinformation
Les médias s’adaptent rapidement dans un contexte où la rapidité de l’info fait souvent craindre une perte de qualité. Rue89 et Les Inrockuptibles ont par exemple augmenté le temps alloué à la vérification, contrebalançant la pression pour multiplier les contenus.
Ces mutations passent par une prise de conscience accrue des dangers de la désinformation indiquée par des acteurs historiques comme Mediapart, ou plus généralistes comme L’Express. Selon des études récentes, une baisse de confiance dans les médias exposerait le public à des fake news.
Stratégies employées pour ralentir la diffusion des informations douteuses
- Renforcement des formations au fact-checking et déontologie pour journalistes.
- Montée en puissance des plateformes de vérification collective.
- Développement d’outils d’intelligence artificielle destinés à assister les journalistes dans leurs enquêtes.
- Promotion d’une communication transparente autour des sources et méthodes.
- Initiatives d’éducation au média destinées au grand public pour mieux comprendre les processus de vérification.
Initiative | Domaine | Effet attendu |
---|---|---|
Formations renforcées | Journalisme | Amélioration des compétences en vérification |
Plateformes collaboratives | Technologie et média | Plus grande rapidité et cohérence dans le fact-checking |
IA d’aide à l’enquête | Technologie | Diminution des erreurs humaines |
Communication transparente | Relations publiques | Restauration de la confiance du public |
Éducation aux médias | Société civile | Public mieux informé et critique |
Ces évolutions sont aussi au cœur de rapports sectoriels comme celui publié par le Centre Suisse d’Études sur la Mésinformation ou dans l’écho donné par European Journalism Observatory.
Perspectives d’avenir : vers une coopération internationale pour contrer les faux experts
Alors que les pratiques de falsification se complexifient, il devient indispensable de mutualiser les ressources entre rédactions au niveau international. Certains organismes, notamment en Europe, mettent à disposition des outils innovants comme vera.ai, qui détectent les faux comptes coordonnés en réseaux sociaux et les contenus artificiels.
Ces initiatives numériques sont un complément à une action plus large engageant journalistes, universitaires et institutions spécialisées dans la déontologie. Pour exemple, plusieurs médias français collaborent désormais régulièrement avec des universités et plateformes de recherche afin d’affiner les techniques de vérification.
Axes de coopération pour un journalisme plus fiable dans un contexte globalisé
- Partage en temps réel des bases de données de sources suspectes entre médias.
- Standardisation des protocoles de vérification et d’authentification.
- Formation continue et échanges interprofessionnels internationaux.
- Développement conjoint d’outils et algorithmes anti-fraude.
- Renforcement des cadres légaux internationaux contre la désinformation.
Programme ou outil | Portée | Objectif clé |
---|---|---|
vera.ai | Europe | Détection automatisée et analyse des faux profils sur les réseaux sociaux |
Plateformes collaboratives de fact-checking | International | Partage d’informations et détection rapide |
Normes internationales de journalisme | Global | Établir une éthique commune |
Formation interprofessionnelle | Europe/Amériques | Augmenter la rigueur et les compétences |
Législation anti-fake news | Global | Sanctionner la fabrication et diffusion de faux experts |
Ces collaborations annoncent un modèle renouvelé, où les médias, institutions et techniciens unissent leurs efforts face à une menace ayant franchi les frontières. Alors que la technique de falsification gagne en sophistication, la solidarité et l’innovation deviennent les meilleures armes pour garantir une information intacte et fiable.